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Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
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Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
- Premier chapitre:
- "Tu n'as pas de cœur", m'ont reproché mes enfants qui avaient alors cinq et six ans.
Je venais de dire non à l'adoption d'une espèce de Fauve de Bretagne qui s'était réfugié chez nous quelques jours après l'ouverture de la chasse. "on n'a qu'un chien, plein de gens en ont deux, on vit à la campagne, il pourrait dormir dans la grange ou dans les petites cabanes où on range nos vélos, regarde le pauvre comment il est, tout emmêlé, avec un œil rouge, et il a faim..."
Au moment où ils disaient ça, le chien n'avait plus vraiment faim. Il était rentré dans la pièce du bout de la maison, là où on rangeait le gros sac de croquettes de notre Berger Allemand et un sac de blé pour les poules. Le blé, il n'avait pas trop aimé. Le sac était juste éventré, les grains avaient coulé partout. Il ne restait plus guère de croquettes, dix kilos avaient disparu, le ventre du clébard qui devait rôder depuis plusieurs jours traînait par terre.
- Je ne veux pas d'un autre chien, ai-je répondu aux enfants. En plus, celui-là est sûrement à quelqu'un qui le cherche, qui l'aime sans doute beaucoup. Et n'y touchez pas, il a des plaques bizarres sur le dos, si ça se trouve, c'est une maladie contagieuse. Si vous vous frottez contre lui, vous allez perdre vos cheveux.
- Si quelqu'un l'aimait, il ne le laisserait pas comme ça tout moche et tout malade. Nous on veut qu'il reste, on va le soigner, on va l'habituer, sinon vu comme il est pas beau, personne n'en voudra.
Là... ils n'avaient pas tort, le chien n'était pas beau.
J'ai mis des gants, envoyé les mouflets me chercher deux petits seaux d'eau chaude et le shampoing à l'huile de vison que je n'avais jamais utilisé pour aucun chien de la maison. L’œil rouge, bien décollé au gant de toilette, prit meilleure allure quand je réussis à déloger une épine qui s'était fichée dans la paupière. Le chien me lécha les mains, mais je ne flanchai pas. Non, pas de deuxième chien. Les plaques sur le dos n'avaient pas l'air teigneuses. Vu le nombre de puces qui cavalaient entre les poils drus, ce n'était pas difficile de déduire que c'était probablement des lésions de grattage. Un bon pschittage au Fibronil affaiblit quelque peu les parasites. Le chien gémit, l'air de dire "c'est pas bientôt fini" ? puis alla se rouler dans l'herbe fraîche. Il avait bien meilleure allure. Il nous suivit dans la maison, les portes étaient grandes ouvertes, il y avait une petite brise d'automne et un soleil encore chaud... Notre chienne Berger Allemand, brave bête, se mit en posture de jeu. Les chiens jouèrent, on les poussa un peu dehors. Pas de deuxième chien, pas de deuxième chien, pas de deuxième chien...
Notre vieille chienne vint se coucher sous la table, suivie par son nouveau copain qui, tranquillement, leva a patte... et se mit à pisser contre les pieds des chaises, comme si de rien n'était. Comme je le chassais en criant, il allait à la chaise d'à côté et continuait son affaire.
Pas de deuxième chien, ça va pas la tête ?
- deuxième chapitre:
- Quand ils me virent courser le chien qui levait la patte partout pour se soulager dans la maison, les enfants l'attirèrent dehors, puis m'aidèrent à porter les chaises dans l'herbe pour les rincer sans tarder. Quelque chose dans leur expression montrait bien qu'ils avaient vaguement conscience de la complexité et de l'enjeu de la chose.
- On va lui apprendre à faire pipi dehors, mais on voudrait le garder quand même, parce qu'il est très gentil. T'as vu comme il s'est laissé faire quand tu lui as soigné l'oeil ?
- Et puis, quand on va dormir dans la tente, il viendra avec nous, il nous protégera des assassins d'enfants.
- Et des voleurs !
- Et des sorcières !
- Et des araignées...
Je leur répondis en tordant la serpillère qu'il n'y a rien de tout cela (enfin si, des araignées peut-être) dans leur petite tente près du fil à linge. Et que le griffon grifferait la toile et y ferait des trous, les griffons, ça griffe.
Puis j'essayai de leur expliquer que quand on partait de la maison, on trouvait toujours à faire garder notre chienne. Garder un chien, beaucoup d'amis acceptent. Garder deux chiens, c'est une autre paire de manches. Puis que notre chienne à nous était vieille et ne jouait plus beaucoup avec eux, c'est vrai, mais qu'elle était bien élevée, qu'elle avait l'habitude de la voiture, qu'on pouvait l'emmener avec nous au restaurant... tandis que cet animal là était un adulte qui n'était pas habitué à vivre dans une maison, que c'était difficile et long d'éduquer un chien adulte, à supposer qu'on y parvienne, que quand on partirait se promener on ne pourrait pas mettre deux chiens dans la voitures, alors, on ferait comment pour choisir ? mais les enfants n'étaient pas très sensibles à ce discours. Eux, tout ce qu'ils voyaient, c'était: le pauvre chien tout seul n'a pas de maison, n'a pas d'ami, n'a personne pour lui donner à manger.
On ne peut pas élever ses enfants en insistant sur la gentillesse, le partage, l'aide à autrui et le respect dû aux animaux, et réagir comme si de rien n'était quand un être vivant à besoin d'aide: je félicitai mes enfants pour leur bon coeur, et je cédai temporairement. Temporairement, ça signifiait qu'on allait héberger le chien dans une ancienne petite soue à cochons la nuit, le lâcher dans la journée, le nourrir et chercher partout ses propriétaires.
Cette histoire se passe avant que le puçage ne soit obligatoire. Le chien n'était pas tatoué. Je téléphonai à la mairie, aux gendarmes, à la SPA et à la Fédération des Chasseurs locales, et nous attendîmes.
Deux jours après, le téléphone sonnait: c'était un chasseur. Il avait perdu deux chiens de sa meute lors de la dernière battue au renard non loin d'ici, et la description correspondait tout à fait. Si je le voulais bien, il enverrait un copain à lui chercher le fugueur le lendemain après-midi.
J'annonçai la nouvelle au repas du soir: le chien avait retrouvé son propriétaire. Les enfants pleurèrent. Ils partirent le lendemain matin à l'école couverts de poils fauves, tant ils avaient serré contre eux le chien dont ils allaient devoir se séparer. Je sentais bien que dans leur petite tête, je n'étais pas tout à fait la Cruella des 101 dalmatiens, mais pas loin. Je leur promis que nous irions rendre une visite au chien dans sa famille à l'occasion d'une promenade le week-end suivant. Voilà, leur dis-je en guise de conclusion, on a fait tout ce qu'on pouvait faire, le mieux possible, le chien va retrouver ses copains, sa famille, et il sera très heureux. Happy end !
- Troisième chapitre:
- J'ouvris la porte de la soue. Ces petites maisons de schiste avec un enclos d'ardoise également (chez nous, on appelle ça des palis) offrent un habitat parfait pour un chien vivant à l'extérieur. Autrefois, on y engraissait le cochon de la famille, c'est pourquoi la soue n'était jamais loin de la maison d'habitation. On jetait les épluchures par dessus la palissade et on versait les liquides dans une auge de pierre. Mon cochon du moment me fit la fête et se mit à courir joyeusement. Son oeil allait beaucoup mieux. Un petit décollage de paupières au sérum physiologique suffit à s'assurer qu'il n'y avait ni infection ni motif à inquiétude. Ma chienne avait l'air heureuse de le voir. Elle prit l'air cinq minutes avec lui, courut un peu et se roula dans les premières feuilles mortes, puis s'allongea sur le seuil de la maison en baillant.
Encore une belle journée d'automne qui se profilait, et qui se profilait paisiblement en plus. Les enfants étaient à l'école, ma vieille chienne n'avait pas l'air de trop souffrir de ses rhumatismes (ni du cancer qui allait l'emporter brutalement trois mois plus tard mais je ne le savais pas encore, je trouvais juste qu'elle avait pris un gros coup de vieux en même temps que ses quatorze ans), le copain du chasseur viendrait avant midi chercher le griffon, et j'avais mille petites choses à faire mais rien d'urgent, rien de trop désagréable.
J'étais en train de discuter avec la factrice quand une fourgonnette délabrée s'annonça à grands coups de klaxon et s'immobilisa dans un épais nuage de fumée noire. Un petit monsieur tout maigre en jaillit, un mégot de Gitane maïs pendant au coin de la bouche et une cigarette allumée à la main. Le chien s'excita brusquement, aboya, gambada joyeusement, et gratta les portes arrière du camion, comme s'il voulait y entrer au plus vite. De toute évidence, l'homme ne lui était pas inconnu. Alors le fugueur, on a encore fait des siennes , hein ? Tu donnes du tourment à la dame, et tu me fais brûler du gazole pour rien du tout ? Sans compter le temps, hein, tu crois que je suis fonctionnaire ? L'homme passait ses mains dans les poils rugueux du chien qui lui mordillait les doigts au passage.
Ouf. J 'avais eu un peu d'appréhension, mais finalement, je respirais. Le chien grimpa dans la camionnette sans même m'accorder un regard. J'offris un café au petit monsieur, qui m'apprit que le griffon s'appelait Johnny -il prononçait "jauni"-, qu'il appartenait à un certain Marcel Chevrier, boucher aux abattoirs pendant la semaine et grand chasseur le reste du temps. Il habitait seul avec ses chiens à un peu plus de trois kilomètres de chez nous, la moitié à peine à travers champs, et entretenait une meute de griffons, un braque d'Auvergne, trois épagneuls et un fox terrier "terrible pour la vermine". Dame, aux abattoirs, forcément, de la viande il en avait, qui ne lui revenait pas à grand chose... et ce gars là, m'a assuré le petit monsieur, était raide dingue de ses chiens, mais le Jauni, c'était quand même la troisième fois qu'il se faisait la malle, sans doute à cause de ces bon Dieu de femelles en chasse qui faisaient perdre la tête à tous les mâles du secteur. Il jeta un coup d’œil accusateur à ma chienne. Euh, elle est stérilisée, lui assurai-je, il n'a pas pu venir pour ça ...
Et nous en restâmes là .
Je fermai la porte de la soue, vidai la gamelle d'eau, et contemplai le départ de la fourgonnette en priant le ciel qu'elle ne se désintègre pas sous mes yeux, tant elle brinquebalait de partout en pétaradant comme si elle allait exploser.
Je pensai au chien tout l'après-midi. Je regardais par la fenêtre et je ne voyais pas sa truffe rousse, je m'étonnais à quel point on s'habitue vite à un animal, même très embêtant. Je n'irais pas jusqu'à dire que je le regrettais, mais je souhaitais sincèrement que tout rentre dans l'ordre pour lui, qu'il reprenne son petit train de vie, soit heureux avec son chasseur de maître et n'aille plus se perdre loin de chez lui.
Les enfants rentrèrent de l'école. Je leur racontai les retrouvailles du chien avec le copain de leur maître, ils avaient l'air d'avoir compris et je leur promis que le samedi, nous irions rendre une petite visite à "Jauni".
C'était compter sans l'obstination légendaire du griffon et son flair extraordinaire, combinés à la personnalité fantaisiste et indépendante de notre invité de quelques jours: alors que je demandais aux enfants qui jouaient dehors de ranger leurs bicyclettes et de venir se laver les mains avant le repas, j'entendis des cris et des rires. " Le chien ! Le chien ! Le chien est revenu !"
- quatrième chapitre:
- Sacré Jauni !
J'étais partagée entre le rire et une légère mauvaise humeur. J'ouvris la porte de la soue, remplis la gamelle d'eau, le fis entrer et refermai la porte.
Pendant le repas, les enfants échafaudaient des hypothèses: Jauni était malheureux chez lui. Et s'il était battu, attaché, maltraité ? Peut-être aussi s'ennuyait-il terriblement, peut-être avait-il envie d'avoir des copains enfants avec qui jouer, peut-être nous avait-il choisis et dans ce cas, pourquoi ne le garderions-nous pas, c'était quand même drôlement chouette d'être choisi par un chien, non ?
Je leur opposai une attitude inflexible: j'allais téléphoner, et le lendemain -qui était un samedi-, nous irions tous ensemble ramener Jauni chez son propriétaire.
Donc, je téléphonai au petit monsieur pour obtenir le numéro du boucher-chasseur. Dix minutes plus tard, le maître de Jauni nous précisait qu'il fallait venir après onze heures, parce qu'avant il recevait son kiné pour une mauvaise foulure à la cheville, voilà pourquoi il ne s'était pas déplacé lui-même...
Le samedi matin, je tapissai le coffre du break de vieilles couvertures et priai sa majesté le griffon de bien vouloir y accéder d'un petit saut, ce qu'il fit gracieusement.
Le voyage dura cinq minutes, au bout desquelles nous prîmes un petit chemin sinueux et franchîmes un portique qui ressemblait à celui d'un ranch texan, avec un grand écriteau de bois où était gravé en lettres rouges: La Dague d'Argent – Grande et petite vénerie. Derrière de beaux bâtiments, une ferme assez austère flanquée de nombreuses dépendances, des chevaux paissaient dans un pré en pente. Il y avait des chiens partout. Des épagneuls jappaient, un fox gueulait en montrant ses dents, et, plus loin, dans un enclos ceint de haut grillages attenant à ce qui ressemblait à d'anciennes écuries s'ébattaient une meute de griffons et quelques chiens courants tricolores.
J'étais assez étonnée d'habiter depuis si longtemps à proximité d'un équipage avec meute en ayant ignoré son existence. Il y a beaucoup de chasseurs dans l'endroit où je vis, mais ce sont surtout des agriculteurs, des gens du crû qui ont un ou deux chiens et arpentent la campagne par tous les temps. Souvent le jeudi on en voit sur les routes, gilets fluos, cors de chasse et chiens frétillants, pour quelque battue au renard ou au sanglier, mais je n'y prête guère attention. Je ne suis ni pro ni anti chasse, je me méfie des clichés dans un sens ou dans l'autre, et tant qu'on peut se promener dans les chemins sans inquiétude et voir ses chats mourir de vieillesse, eh bien... à chacun son truc, voilà.
Regardez bien, les enfants, annonçai-je gravement, en haussant la voix pour couvrir une symphonie d'aboiements extraordinaire. Nous allons voir ce qu'est une meute de chiens, ce que sont des chiens de chasse, et je vois qu'il y a plusieurs races ici.
- Vénerie, ça veut dire quoi ? Me demanda mon fils qui avait déchiffré la pancarte.
- ça veut dire chasse à courre, lui répondis-je.
- Les chiens, ils courent à côté d'un cheval où il y a un type en rouge monté dessus et quand ils attrapent un cerf ils l'égorgent, c'est ça ?
Je cherchais les mots pour répondre prudemment et en fait, je n'en trouvais pas. D'une part, nous arrivions et allions sortir de notre voiture d'une seconde à l'autre et d'autre part, je ne me sentais pas trop le courage de défendre la chasse à courre, que je n'apprécie guère, devant des enfants de cet âge.
- C'est des chiens de chasseurs comme ceux qui ont tué la maman de Bambi ? insista ma fille. Elle avait les larmes aux yeux, ses bonnes joues roses avaient pâli, et son petit visage se crispait d'inquiétude.
- Mais non, lui répondis-je très vite. Le monsieur qui habite ici ne fait pas de mal aux mamans des Bambis...
C'était sans doute à nuancer, mais bon, à cinq ans, on a le droit d'être rassuré plutôt que se confronter à la cruauté du monde .
Personne ne sortait de la maison. J'entr'ouvris la portière de la voiture et le fox vint renifler mes chaussures en grognant. Jauni aboya un truc dans le genre: "t'inquiète, ce sont des amis", le fox lui répondit un truc du genre: "Ok, c'est bon, ils peuvent sortir". Il se calma et nous sortîmes.
Il suffisait de pousser la grande et lourde porte entrebâillée pour entrer dans la maison. Un homme était assis, en train de remplir des papiers étalés sur une table où auraient pu tenir trente personnes sans se serrer les coudes. Il se saisit d'une béquille quand il nous vit et bougea un pied nu, enflé et violacé. Je lui dis de ne pas se déranger, mais il se leva pour nous accueillir. Il ressemblait au Barbe-bleue des contes de Perrault, son front était barré d'une cicatrice rougeâtre dont on pouvait compter les points de suture, mais un large sourire et une expression de gentillesse et de fatigue mélangées adoucissait son visage hâlé. Il y avait du café et du jus d'orange sur la table. Un gamin d'une quinzaine d'années fit irruption: "m'sieur, Diane et Cérès se sont encore battu, et ya Cérès qui saigne d'une oreille, j'fais quoi ?" "Eh bien, tu enfermes Diane, tu laves l'oreille de Cérès, et tu reviens me dire si ça saigne encore..."
Puis il se retourna vers nous.
- Alors, vous me ramenez mon fugueur ?
- Il est dans la voiture...
Mes enfants, qui avaient bien préparé leur coup, respirèrent à fond et se mêlèrent à la conversation:
- il nous aime, il veut rester chez nous !
- on voudrait le garder..
- si vous voulez pas nous le donner, on peut vous l'acheter.
- oui, on a une enveloppe avec beaucoup d'argent, il y a un billet de cinq euros et beaucoup de pièces de centimes, plein plein plein...
L'ogre les contemplait avec un petit air tout attendri.
- Impossible ! Johnny n'est pas à moi !
- Ben, il est à qui alors ?
- Écoutez bien, je vais vous expliquer. Trois fois par an, je vais à une grande réunion d'éleveurs de chiens de chasse. C'est loin d'ici, très loin. Des fois, on se prête des chiens, pour que les chiennes ne fassent pas toujours des petits avec le même père. C'est pour changer le sang, comme on dit.
- Et Jauni, alors, il est à qui ?
- Johnny, il n'est même pas français. Il vient de Belgique, et d'une région où il y a une grande forêt qu'on appelle les Ardennes, et les ancêtres de Johnny, ils chassaient les loups quand il y avait des loups avant, et maintenant c'est le sanglier...
- Comment, l'interrompis-je, comment est-ce possible que vous fassiez voyager des chiens même pas tatoués ? Vu qu'il est fugueur, il faudrait peut-être faire quelque chose pour l'identifier! Un collier avec une médaille, un numéro de téléphone... Vous risquez de le perdre pour de bon !
- mais il est tatoué, m'assura-t-il !
- ah, non, j'ai bien regardé ses oreilles, il n'y a rien !
- il est tatoué à l'intérieur de la cuisse, mais c'est vrai que le tatouage n'est pas de bonne qualité et qu'on ne pense pas forcément à se pencher pour écarter les pattes d'un chien poilu... J'ai pourtant donné le numéro à la gendarmerie et à la fourrière, parce que ce chien là, il n'arrête pas de se sauver et d'aller se balader...
- Il y a des trous dans votre grillage ?
- Non, pas du tout, et figurez-vous que ça a été un grand mystère pour moi. Pas de trous, la porte fermée, la clôture trop haute pour être franchie d'un bond, pas un autre chien ne manquant à l'appel...
- C'est un chien qui a des pouvoirs magiques ? questionna mon fils, très intéressé.
- Non, pas de pouvoirs magiques... Mais la dernière fois qu'il est parti, c'est à dire hier, je me demandais comment il s'était encore débrouillé. J'ai entendu des gémissements dans la maison de la meute, celle qui donne sur l'enclos. La maison, elle est en pierre, et toute carrée, et je voyais bien qu'il n'y avait pas de trou dans les murs. Tous les autres chiens étaient dehors, et pourtant j'en entendais un qui pleurait. On aurait dit qu'il était enfermé dans un mur. J'ai parlé, le chien m'a répondu, et je me suis rendu compte qu'il était sous le sol. Il y a un gros plancher en planches très larges et épaisses, et au fond, je ne m'étais pas aperçu qu'il y a une planche qui bascule si on se met au bout. Dessous, il y a un vide, avec de la terre battue. Le chien a dû tomber une fois par accident. Il est ressorti sous le mur de la maison, là où il y a les gros buissons d'hortensias qui font qu'on n'a rien pu voir. Et après, il a pigé le truc... Hier, je suppose qu'un autre chien l'a suivi, mais celui-là n'a pas eu l'idée de ramper sous la maison pour sortir, il est resté sous le plancher, et c'est comme ça que j'ai découvert le pot aux roses...
- Alors, on ne peut pas garder Jauni ?
- Non. C'est impossible, vraiment impossible, les enfants.
- Mais si Jauni il préfère pas rester avec tous les autres, pourquoi on le force ?
- Johnny est un grand chasseur. Il est courageux, rien ne lui fait peur. Là où il est le plus heureux, c'est quand on prend tous les chiens le dimanche matin et qu'on les prépare. Et dès qu'il ne sort pas pendant une semaine, le Johnny... il s'ennuie et il va se distraire ailleurs.
- Je ne suis qu'à moitié convaincue, lui répondis-je. Un chien de meute qui fugue et qui préfère dormir tout seul chez des inconnus, loin de sa meute...
- Oui, c'est assez atypique, concéda-t-il. Et c'est dommage. Je vais faire attention et choisir les femelles avec qui je vais le mettre à reproduire.
Nous n'avions plus grand-chose à nous dire. Mes enfants allèrent ouvrir le coffre, et Jauni-Johnny vint se faire caresser par l'ogre, qui le fit allonger sur le sol pour me montrer qu'il y avait bien un tatouage. Effectivement, on apercevait quelques traces bleues indéchiffrables.
Johnny ne revint qu'une fois à la maison. Je ne sais pas ce qu'il avait trouvé comme nouveau moyen d'évasion. Nous l'hébergeâmes à nouveau, il regagna sa meute ensuite, puis le veneur de La dague d'argent déménagea. Il avait trouvé une vaste propriété, un château en ruines dans le Loiret avec d'immenses dépendances où il pourrait organiser des chasses privées. Comme je m'étonnais qu'un boucher disposât d'autant de temps et d'argent à consacrer à son loisir, un article du journal Ouest-France me donna la réponse: Le directeur des abattoirs Chevrier quittait son poste, et cédait son entreprise à une multinationale franco-hollandaise.
Peu de temps après, la santé de notre chienne déclina. Comme il n'y avait aucun espoir de guérison, je préférai mettre fin à ses jours avant qu'elle ne souffre trop. Elle avait vécu une longue et heureuse vie de chien de famille. Il n'y eut pas cette année là d'os ni de jouets pour chien sous le sapin de Noël, mais je fis une promesse à mes enfants. Et à Pâques, ce ne fut pas seulement un gros œuf que les cloches apportèrent, mais une mini-tornade de huit semaines qui accompagna leur enfance le plus tendrement du monde... mais c'est une autre histoire.
Invité- Invité
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Educalins, c'est une histoire vraie... à part quelques détails identifiants (le nom du gars, deux ou trois petites choses sans importance...)
Je sais bien que la fin attendue aurait été "après moult péripéties, nous adoptâmes le griffon et tout le monde fut heureux" (le point de vue des enfants, quoi...) mais c'était justement impossible. Sinon, j'aurais peut-être (je dis bien peut-être, hein) craqué, parce que c'était un gentil chien qui avait à peine trois ans. On l'aurait peut-être choisi si nous avions cherché un chien à adopter à la SPA, mais... ce n'était pas le cas.
C'est la vie, et dans la vie, on ne fait pas toujours skonveu.
Je sais bien que la fin attendue aurait été "après moult péripéties, nous adoptâmes le griffon et tout le monde fut heureux" (le point de vue des enfants, quoi...) mais c'était justement impossible. Sinon, j'aurais peut-être (je dis bien peut-être, hein) craqué, parce que c'était un gentil chien qui avait à peine trois ans. On l'aurait peut-être choisi si nous avions cherché un chien à adopter à la SPA, mais... ce n'était pas le cas.
C'est la vie, et dans la vie, on ne fait pas toujours skonveu.
Invité- Invité
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
C'est clair que c'est pas la fin attendue/espérée !!
Mais c'est une chouette histoire
Mais c'est une chouette histoire
FantoNco- Membre
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Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Ro mince ... je pensais vraiment que Jauni resterait avec vous, chui déçue
ninou42- Membre
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Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Même si ce n'est pas le happy end voulu par tous, moi je la trouve bien cette histoire!
J'ai pas répondu de suite après l'avoir lu, pourtant j'étais heureuse d'avoir enfin le fin mot de l'histoire, mais moi aussi je voulais le happy end...
Et puis finalement, le chien n'était pas maltraité, faisait ce pour quoi il est né, avait une vie en groupe, bref, on va pas dire qu'il avait pas une vraie vie de chien !
Merci pour cette histoire vraie Gibelotte !
J'ai pas répondu de suite après l'avoir lu, pourtant j'étais heureuse d'avoir enfin le fin mot de l'histoire, mais moi aussi je voulais le happy end...
Et puis finalement, le chien n'était pas maltraité, faisait ce pour quoi il est né, avait une vie en groupe, bref, on va pas dire qu'il avait pas une vraie vie de chien !
Merci pour cette histoire vraie Gibelotte !
Usky28- Membre
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Sport canin ou activité : Baignades en pataugeoires par tous les temps et concours de camouflage tout terrain
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Ouhhh, les hauts et les bas de la fin font sourire et déçoivent en même temps !
C'est clair que c'est pas un conte de fée, du coup le chien s'en va et son maître aussi, sans aucune nouvelle pour toi et tes enfants. Nous, on veut toujours que ça se finisse bien, mais des fois, beh ça se fini comme ça, sans nouvelle.
Mais j'aime bien comme tu met l'arrivée du "nouveau" petit bout dans ta vie et surtout, comment tu arrives à mettre en scène l'innocence de tes enfants, c'est juste adorable.
C'est clair que c'est pas un conte de fée, du coup le chien s'en va et son maître aussi, sans aucune nouvelle pour toi et tes enfants. Nous, on veut toujours que ça se finisse bien, mais des fois, beh ça se fini comme ça, sans nouvelle.
Mais j'aime bien comme tu met l'arrivée du "nouveau" petit bout dans ta vie et surtout, comment tu arrives à mettre en scène l'innocence de tes enfants, c'est juste adorable.
Enitit- Membre
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Mon chien : Lipton (Berger Australien). Favy (Ragdoll). Oreo (lapine)
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
La fin n'est pas du tout le happy end de mon histoire mais je me suis quand même régaler à te lire ...tu as l'amour des mots
N'hésite pas ,si tu en as d'autres en réserve
N'hésite pas ,si tu en as d'autres en réserve
Huriel- Membre
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Date d'inscription : 05/01/2016
Age : 63
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
C'était très bien la fin ! Ca ne pouvait pas finir autrement avec un chien de chasse aussi débrouillard et motivé qu'il l'était .
Il aurait continué à prendre le large, même dans une mignonne famille de dessin animé comme la tienne .
Et les enfants ont appris plein de choses intéressantes dans l'histoire, ils ont eu plein d' émotions, et nous aussi !
Il aurait continué à prendre le large, même dans une mignonne famille de dessin animé comme la tienne .
Et les enfants ont appris plein de choses intéressantes dans l'histoire, ils ont eu plein d' émotions, et nous aussi !
Lou d'Arabie- Membre
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Messages postés : 2459
Date d'inscription : 10/02/2013
Age : 67
Localisation : 94 et 64
Mon chien : whippet actuel et saluki de ma vie
Sport canin ou activité : vtt, excursions, randonnées
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
j'adore, c'était trop bien et j'ai craquée sur le passage avec tes enfants et tout leur argent!!! c'est trop mignon!!!
lili51- Membre
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Messages postés : 102
Date d'inscription : 02/01/2016
Age : 52
Mon chien : spitz allemand
Sport canin ou activité : école du chiot
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Merci pour les compliments... et tant pis si la fin n'est pas idéale.
De belles histoires vraies qui se terminent par une adoption, il y en a plein sur le forum aussi. On peut même en vivre en direct, avec l'histoire du chien Apache, par exemple...
De belles histoires vraies qui se terminent par une adoption, il y en a plein sur le forum aussi. On peut même en vivre en direct, avec l'histoire du chien Apache, par exemple...
Invité- Invité
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
La vie, ce n'est pas toujours ce que l'on souhaite. Enfin, là on peut au moins supposer que le chien passe une bonne vie, à chasser, ce qui lui plait apparemment
J'aime beaucoup ta façon de raconter, et c'est encore mieux les histoires vraies, vécues !
J'aime beaucoup ta façon de raconter, et c'est encore mieux les histoires vraies, vécues !
Miss.Irka- Membre
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Messages postés : 1544
Date d'inscription : 26/03/2014
Age : 31
Mon chien : Irka (berger australien) - Java (ENC phalène)
Sport canin ou activité : Débuts en canicross, Tricks, Bagarre et gros câlins
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
C'est clair que tu as une sacrée main dans tout ça, c'est juste impressionnant en tous cas
Enitit- Membre
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Messages postés : 3266
Date d'inscription : 04/06/2015
Age : 36
Localisation : Lyon et ses environs !
Mon chien : Lipton (Berger Australien). Favy (Ragdoll). Oreo (lapine)
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Bravo Gibelotte, tu as bien raconté votre histoire avec Johnny, une histoire simple sans happy end ni drame, mais néanmoins touchante.
Ma réplique préférée : "C'est un chien qui a des pouvoir magiques ?" ... qui sait, ton fils avait peut-être raison ? ;-)
Ma réplique préférée : "C'est un chien qui a des pouvoir magiques ?" ... qui sait, ton fils avait peut-être raison ? ;-)
GinFizz- Membre
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Messages postés : 591
Date d'inscription : 28/08/2014
Age : 55
Localisation : Italie, en province de Turin
Mon chien : Lizzy & Jackson : faux BAT trop bath !
Sport canin ou activité : Balades dans la nature, préparation au BikeJoring.
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
J'ai (hélas) commencé par la fin, et du coup j'ai dévoré tout le reste. J'adore ta façon de raconter, d'écrire; et même si j'aurais aimé une happy end, je sais pertinemment que ce qui rend d'autant plus belle cette histoire, en est la fin douce-amère.
Bon, maintenant, je n'ai qu'une critique à énoncer.... parce que vraiment ça m'enquiquine sévère...
Il arrive quand le tome 2?
Bon, maintenant, je n'ai qu'une critique à énoncer.... parce que vraiment ça m'enquiquine sévère...
Il arrive quand le tome 2?
Syriael- Membre
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Messages postés : 58
Date d'inscription : 25/06/2014
Age : 47
Localisation : Massilia
Mon chien : Fax, Roscoe
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Ca y est j'ai enfin tout lu. J'ai commencé il y a un moment mais je n'avais pas fini.
Super récit
Super récit
Lilie- Membre
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Messages postés : 3074
Date d'inscription : 06/08/2014
Age : 41
Localisation : Vaucluse
Mon chien : Indie (x Border), RIP Fidji 15'(x Amstaff), RIP Loulou 03'
Sport canin ou activité : Education, agility, troupeau, randonnées...
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Merci Lilie !
Syriael, pas de tome 2, cette histoire est finie !
Syriael, pas de tome 2, cette histoire est finie !
Invité- Invité
Re: Je n'ai pas de coeur (cinquième et dernier chapitre)
Ha mais le tome2 peut être une histoire totalement différente hein. Faut juste plus à lire
Syriael- Membre
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Messages postés : 58
Date d'inscription : 25/06/2014
Age : 47
Localisation : Massilia
Mon chien : Fax, Roscoe
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